Une Réflexion sur l'Émancipation des Femmes
Quand je parle à votre fille, elle ne baisse pas les yeux. Comme si cette phrase à elle seule devrait suffire pour traduire le désarroi de ce professeur face à la fille d’une amie. En racontant cet épisode, mon amie était tiraillée entre honte et fierté. Sa petite-fille a su garder la tête haute face à une situation qu’elle croyait injuste.
Serait-ce la fin de l’idéal de la petite fille, de la femme douce, que nos sociétés capitalistes et patriarcales nous renvoient ? Étant maman de deux petites filles, je me pose souvent cette question. Je prends très au sérieux le rôle que je vais avoir dans la construction de l’idée du genre, l’égalité homme-femme, le rôle de chacun dans la société. Dans ma bibliothèque, "Le Deuxième Sexe" de Simone de Beauvoir occupe une place de choix. J’espère secrètement que quand elles auront l’âge de le lire, elles sauront où le trouver. Leur génération aura certainement d'autres combats à mener, mais j’ose espérer que l’égalité des sexes sera une évidence.
J’ai peur de dire à ma fille qu’elle est douce. Je n’ai pas envie qu’elle se projette dans la vie uniquement via ce prisme-là. Consciemment ou inconsciemment, certaines d’entre nous portent ce masque-là. Il est bien plus facile de se présenter dans nos sociétés patriarcales en tant que femme douce. Virginie Despentes en parle et Simone de Beauvoir avant elle, les femmes préfèrent masquer leur puissance sous des couches de douceur et de coquetterie. Autrement, nous aurons encore moins de place dans la société des hommes.
Nous avons trop longtemps vécu sous la surveillance d’un père ou d’un frère, et ensuite, c'est le mari qui prend le relais, sur la maîtrise de nos vies. Car la société nous a fait croire qu'on pouvait s’accomplir uniquement à travers le mariage, son mari et les enfants. Je veux qu’il y ait plus de filles qui ne baissent pas les yeux.
Voici un extrait du livre éclairant de Virginie Despentes, "King Kong Théorie", qui illustre parfaitement mon propos :
« Parce que l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens esthétiques, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et le devoir d’école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivée mais moins qu’un homme, cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler, à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grande chose, de toute façon je ne l’ai jamais croisée nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas. »
Ce qui me questionne cependant, c'est pourquoi le mythe de cette femme là reste toujours désirable pour un certain nombre de femmes.
Après la grande dépression en 1929, le chômage s’est abattu aux États-Unis, la situation s’est propagée et a atteint l'Europe. On commence par renvoyer les ouvriers étrangers chez eux, mais cela ne suffit pas, on s’attaque aux femmes, car en réalité, il n’y a pas assez de travail. On valorise le travail domestique.
À la télévision et dans les journaux, la promotion de la heureuse ménagère se multiplie. Une forme de courant généralisé de domestication de la femme.
Même la haute couture s’empare du sujet pour accentuer la désirabilité. En 1947, Christian Dior crée le "New Look". Les tenues symbolisent d’une certaine manière "La femme trophée".
On se demande alors pourquoi il y a eu autant de femmes sous Valium à partir des années 1965. Aujourd’hui, nous n’avons pas de chiffres officiels. Cependant, on sait qu’il y a eu une utilisation généralisée et un nombre significatif de prescriptions.
Bien sûr, depuis, il y a eu des vagues féministes, il y a eu "MeToo".
Mais la question de la perception de la femme demeure toujours.
Ressources :
Documentaire sur ‘Arté’ L’histoire oubliée des femmes au foyer
Virginie Depentes ‘King Kong Théorie
Quelques idées de découverte.
Podcast programme B : La Mytho des fachos: les tradwives : aborde le sujet de la promotion de la femme au foyer, mettant en lumière une forme de nostalgie pour les années 50. Il explore également la notion de liberté prônée par les partisans des tradwives.
Le film "Mother’s Instinct", avec Anne Hathaway et Jessica Chastain, explore les thèmes de la maternité et des relations entre les femmes, mais pas seulement. Il se déroule également dans les années 60.